Tou Béav, ou 'Hag HaAva, est un jour bien peu connu dans le calendrier juif. Il de quoi l'être, pourtant.
Explications de ce jour "clé".
Tou BéAv, (le 15 du mois d'Av) est un jour de célébration dans le Judaïsme. Il n'y a pas de prescription particulière, mais on considère ce jour comme une demi fête : on ne dit pas le Ta'hanounim ("Supplications", prière-clé de l'office du matin et de l'après-midi) ni le 15, ni la veille à Min'ha (l'office de l'après-midi), et un marié ne jeûne pas si le jour de son mariage tombe le 15 Av. Si une personne est enterrée ce jour-là, on ne prononce pas de Hespedim (éloge funèbre).
Le traité talmudique Ta`anit (26b) nous dit que Tou BéAv était un jour très joyeux avant la destruction des Temples, le comparant même à Yom Kippour :
"Lo hayou yamim tovim LeIsrael keTou Beav veYom Kippour"
"Il n’y avait pas de jours plus heureux pour le peuple d’Israël que le 15 Av et Yom Kippour»
Il nous en énumère les raisons :
Le pardon de la faute des explorateurs
C’est lors du 10 Tichri suivant la sortie d’Egypte que Dieu pardonna ("qapar", d'où Kippour) à Son peuple la faute du Veau d’Or, et le 15 Av de la 40 ème et dernière année de la traversée du désert qu’Il leur pardonna la faute des explorateurs (qui avait conduit le peuple à errer, jusqu'à ce que que meure le dernier de la génération qui avait cru le compte-rendu mensonger des 10 explorateurs envoyés en reconnaissance en Terre d'Israël en prélude à sa conquête.
Jusqu’à la destruction du Second Temple, ces deux jours étaient consacrés à la joie pure d’être pardonnés par Dieu.
La fête des mariages
Selon la Michna, les filles célibataires empruntaient toutes des robes blanches et sortaient en rondes dans les vignes autour de Jérusalem (le blanc est symbole de pureté, virginité et nouvelle vie, ce qui peut encore une fois être associé à la thématique du pardon et de l'absolution. Par ailleurs, le fait que toutes soient de blanc vêtues gommait les distinctions d’ordre socio-économiques) . Les hommes en quête d’une épouse se rendaient également sur place afin d'y trouver une femme.
L'apogée de la lune
Tou BeAv était jour de pleine lune, où la nuit est la plus longue. Il marquait l'équivalent du solstice d'été.
Or, la nuit est le moment le plus propice à l'étude de la Torah selon la tradition.
L’annulation de l’interdit de se marier en dehors de sa tribu
La Torah avait interdit (Nombres 34: 8) aux orphelines sans fratrie le mariage en dehors de sa tribu, afin d'empêcher que la part de la Terre d'Israël échoyant à leurs pères ne soit reversée à d'autres tribus.
Après la mort de Josué et la conquête de la Terre d’Israël, c'est le 15 Av que ce décret fut aboli.
L’annulation de l'interdit pour les tribus de se marier avec un descendant de la tribu de Benjamin
Le chapitre 21 du livre des Juges relate l'épisode de la concubine de Giv'ah, au cours duquel la tribu de Benjamin se battit avec les autres tribus, et à la suite duquel tout Israël jura de ne pas contracter aucun mariage avec les membres de cette tribu.
C'est à Tou BeAv que la tribu de Benjamin fut pardonnée, et qu'il fut ordonné aux 200 Benjamites célibataires d’aller à Shilo pour choisir une femme lors de la fête des mariages, qui, ainsi que nous l'avons vu, se tenait le 15 Av.
La levée de l’interdiction de monter en pèlerinage à Jérusalem
Lors du schisme entre le royaume d’Israël et celui de Juda, le premier roi d’Israël, Yeroboam ben Nebat barra l'accès à Jérusalem, afin d'empêcher un descendant de David d'y revenir et revendiquer son droit à la royauté.
Les Judéens étaient donc contraints d’offrir leurs sacrifices en Samarie, au sein des idolâtres.
Deux siècles plus tard, le 15 Av, le roi Osée ben Ela autorisa son peuple à monter à Jérusalem pour y offrir des sacrifices.
Le jour où l'on cessait de couper le bois pour les sacrifices
À l’époque du Second Temple, le pays était pauvre et l’offrande de bois pour le Temple était considérée comme une grande bénédiction. La difficulté d’apporter du bois pour ceux qui y parvenaient les rendaient si heureux qu’ils offraient un sacrifice volontaire, dit Korban Etsim.
Le dernier jour pour apporter du bois était le 15 Av car le bois était encore sec, selon le Talmud de Jérusalem.
Ce jour de fête a été institué également pour célébrer la victoire des Pharisiens contre les Sadducéens, qui voulaient empêcher la reconstruction du Temple en faisant des barrages aux transports de bois vers Jérusalem à l’époque d'Ezra et Néhémie.
L’autorisation d’enterrer les morts de Betar
Lors de la conquête romaine, la ville de Betar s’était révoltée contre l’empire romain. Lorsque les troupes de l’empereur Hadrien réussirent à prendre la ville, les défenseurs vendirent plus que chèrement leur peau.
Irrité par cette résistance, Hadrien ordonna leur massacre à la prise de la ville, et coucha leurs corps sur sa vigne.
Après la mort de l’empereur en 138, les Romains autorisèrent l'inhumation des victimes du massacre de Betar. La tradition raconte que les corps des héros de Betar ne s’étaient miraculeusement pas décomposés, alors qu'ils avaient été exposés aux quatre vents plus d'un an.
Le 15 Av de nos jours : Hag haAhava
De nos jours, malgré l’impossibilité de célébrer le 15 Av dans la sainteté de l’époque, cette journée reste habituellement une date que de nombreux couples choisissent comme date de leur union. En Israël, Tou Be Av est devenu une sorte de "Saint Valentin" juif, une fête de l’amour et des amoureux. On y organise des concerts durant toute la nuit, le plus célèbre se tenant sur la plage de Tsemah, au sud de Tibériade.