En bref :
Tou Bichvat est une très jolie fête juive qui marque la fin de l'hiver. Elle a lieu le 15 du mois de Chevat, comme son nom l'indique : en effet, en hébreu, "Tou" désigne le chiffre 15. On l'appelle aussi nouvel an des arbres, car c'est une fête qui célèbre le renouveau de la nature.
Les traditions de Tou Bichvat
En Israël, à Tou Bichvat, la coutume veut que l'on plante des milliers de jeunes arbres, destinés à faire reculer le désert et à bien marquer le lien étroit qui existe entre l'homme et la nature. On s'y régale pour l'occasion de fruits, parmi lesquels figurent généralement le raisin, la grenade, la figue, la datte, l'olive, les fruits du caroubier et de l'amandier. La beauté de la fête exige que l'on réunisse sur la table au moins quinze sortes différentes de fruits, les plus rares et les plus exotiques ajoutant encore au plaisir des convives.
Tou Bichvat, une fête symbolique
Tou Bichvat est une fête dont la portée symbolique est très belle. D'une part, elle sensibilise les enfants à la beauté de la nature en les encourageant à planter de jeunes arbres. D'autre part, elle délivre un message de paix très fort car l'arbre, qui ne doit pas être utilisé en période de guerre pour fabriquer des armes, représente dans la pensée juive la métaphore de l'être humain.
En détail :
Il y a arbre et arbre. Il y a celui qui produit des fruits, et celui qui n'en produit point. Certains arbres sont grands et imposants, comme les cèdres du Liban ; d'autres sont petits, humbles, comme le buisson d'épines. Il est des arbres bruyants, et il en est des silencieux. Bref, il n'existe pas deux arbres qui soient pareils.
De même il y a homme et homme. Il y a celui dont les bonnes actions sont comme des fruits juteux, et celui qui vit seulement pour lui-même. Certains hommes sont orgueilleux et arrogants, d'autres sont effacés et modestes. Il est des hommes bruyants qui remuent beaucoup l'air autour d'eux ; il en est qui, sans attirer l'attention, vaquent, silencieusement à leurs affaires. En un mot, il n'existe pas deux hommes semblables. « Car l'homme est pareil à l'arbre dans le champ », nous dit la Torah.
Quand Dieu parla pour la première fois à Moïse, Il ne l'appela point d'un cèdre en flammes ou d'un palmier, mais d'un buisson d'épines ardent. Ainsi Dieu montrait au premier berger d'Israël qu'il devait chercher l'ardent esprit Divin dans le coeur de son humble troupeau. Dieu ne demeure point parmi les orgueilleux et les arrogants.
La rose est la reine des fleurs; le raisin le roi des fruits, car avec lui on produit le vin qui est la plus vieille et la meilleure boisson de l'homme. La rose pousse sur le buisson d'épines, et le raisin sur la vigne basse. Dieu ne nous donne-t-Il pas de ce fait une grande leçon d'humilité ?
Connaissez-vous l'histoire de Rabbi Siméon ben Elazar et l'homme laid ? La voici : Rabbi Siméon venait de terminer ses études à l'école de l'illustre Rabbi Méir, et regagnait sa ville natale où une réception grandiose l'attendait. Il devait se sentir plein de joie et de fierté car, ayant rencontré un homme d'une laideur extrême qui le saluait, non seulement il ne lui rendit pas son salut, mais alla même jusqu'à le railler parce qu'il était laid. Ce dernier dit alors à Rabbi Siméon : « Va donc dire au Maître qui m'a créé combien vilain est son travail ».
Rabbi Siméon prenant conscience de sa bévue, pria l'homme de lui pardonner. Celui-ci refusa. Rabbi Siméon le suivit demandant avec insistance son pardon. Mais l'hom-me persista dans son refus. Quand ils atteignirent la ville, ils virent que tous ses habitants s'étaient réunis pour souhaiter la bienvenue à l'érudit.
LE CÈDRE ET L'HYSOPE
- En l'honneur de qui vous êtes--vous assemblés ? demanda l'homme laid.
- En l'honneur du grand Rabbi Siméon qui vous suit, répondit la foule.
- Celui-là ? dit l'homme plein d'étonnement. Dieu fasse qu'il n'y en ait pas beaucoup comme lui en Israël !
Rabbi Siméon raconta alors à ses concitoyens ce qui était arrivé et les pria d'intercéder en sa faveur. Ce ne fut qu'après cette intervention que l'homme accorda son pardon.
Ce jour-là, Rabbi Siméon prêcha dans son sermon : « L'homme devrait être toujours aussi souple qu'un roseau, et non pas aussi dur qu'un cèdre. Car quelle que soit la violence du vent, le roseau plie d'un côté et de l'autre, et éventuellement se redresse ; tandis que le cèdre se trouve déraciné quand souffle le vent impétueux du sud ».
Rabbi Siméon faisait-il allusion à l'homme laid qui refusait si durement son pardon ? Peut-être y pensait-il aussi ; mais nous croyons surtout qu'il parlait de lui-même. Car ce fut lui, Rabbi Siméon, qui, à un moment critique, s'était oublié ; et, à l'égal du cèdre déraciné par le vent, il tomba de sa hauteur altière.
Nos Sages ont dit : « Si le feu dévorant est tombé parmi les cèdres, que fera l'hysope ? ». Ce qui veut dire : si les grands peuvent si facilement être victimes de leur propre passion, combien plus exposés à la leur sont les petits ? Et la réponse est, bien entendu : Garde -toi du feu de la passion.
LES SOINS AUX ARBRES
Un arbre qui pousse au bord de l'eau et dont les racines sont longues et nombreuses est le symbole dont se servirent nos prophètes et nos Sages pour décrire l'homme juste. Les racines sont le symbole de la stabilité, des saines pratiques et du caractère. Les fruits représentent ses bons gestes. Les branches sont ses actions.
Peu d'arbres, à supposer qu'ils existent, sont parfaits. Tantôt une branche en est morte, tantôt une feuille a été mangée par les vers. Mais, aussi longtemps que les racines sont bonnes, l'arbre est bon. Le jardinier sait le distinguer du mauvais, et, dans un cas comme dans l'autre, il n'ignore pas ce qu'il faut faire.
De même que pour les arbres, il existe peu d'hommes parfaits, et Dieu (le "Jardinier") sait comment agir avec eux. Rabbi Elazar ben Tzadok dit : « A quoi ressemble le juste en ce monde ? A un arbre poussant dans un endroit pur, tandis qu'une de ses branches se projette dans un endroit impur. Quand celle-ci est coupée, l'arbre entier se trouve dans la partie pure. Ainsi D'ieu extirpe le petit péché du juste en faisant souffrir ce dernier ici-bas afin qu'il soit parfait pour le monde à venir. Mais à quoi ressemble le méchant ici-bas ? À un arbre poussant dans un endroit impur, tandis que l'une de ses branches s'avance dans un endroit pur. Que celle-ci soit supprimée, et l'arbre entier se trouvera dans la partie impure. De même Dieu accorde en abondance Ses bénédictions aux méchants afin de les récompenser de leurs petites vertus, donnant ainsi un gage du bien éternel dans le monde futur ».
Nos prophètes ont volontiers recours aux comparaisons avec l'arbre pour louer Israël. La vigne, l'olivier, le figuier, le dattier, le pommier et le noisetier sont les symboles favoris d'Israël. Arrêtons- nous à quelques-uns d'entre eux.
LES ARBRES FRUITIERS
L'olivier est l'un des arbres fruitiers les plus importants en Israël parce qu'il est la source de l'huile la plus pure, la plus douce et la plus précieuse. L'huile d'Olive fut employée dans les cérémonies les plus importantes : pour l'onction des rois et des Grands-Prêtres, pour allumer la Menorah sacrée, pour les offrandes dans le Beth-Hamikdache. Elle fut aussi utilisée pour les soins de la santé.
L'olivier est toujours vert, et son aspect frais et vivant, tant dans la saison sèche qu'à l'époque des pluies. Il ne faut donc pas s'étonner que les prophètes l'aient comparé à Israël. En effet, celui-ci ne vieillit pas avec l'âge. En tant que nation, Israël est aussi vigoureux et vivace que l'olivier toujours vert. De même que l'olivier produit - grâce à son huile - la lumière la plus pure, de même Israël est «la lumière du monde». La sainte Torah est la torche qui éclaire la route de toutes les nations.
L'huile ne peut se mélanger avec d'autres liquides. De même Israël ne se mélange pas avec d'autres nations ; il préserve et préservera toujours son identité.
Non seulement Israël a été doté de nombreuses propriétés et vertus de l'huile d'olive, mais il doit également subir le processus par lequel l’huile est extraite de l'olive. Voici comment nos Sages le décrivent : encore sur l'arbre, les olives sont déjà marquées pour y rester jusqu'à s’y ratatiner. Ensuite elles sont cueillies, puis soumises à un battage ; de la cuve où on les a versées, on les met dans le moulin et on les broie. A cette phase, un filet est jeté autour, et des meules sont placées dessus. C'est alors seulement que l'olive produit de l'huile.
Il en est de même avec Israël. Depuis le temps d'Abraham, notre peuple était désigné pour devenir la lumière des nations. Il fut placé dans le moulin et soumis à la pression des meules (l'oppression, l'exil et les souffrances), car, écrasé ainsi, Israël revient à Dieu, demeure loyale à la Torah et fidèle à sa destinée. De même que l'huile n'émet aucun bruit quand elle est versée d'un récipient à un autre, ainsi Israël souffre en silence. Mais, à l'égal de l'huile qui surnage au-dessus des autre liquides, Israël s'élèvera au-dessus des autres nations quand s'accompliront les paroles de notre prophète : « Et les nations marcheront dans ta lumière ».
LA GRENADE ET LE NOYER
La grenade est pleine des grains. Elle symbolise un homme plein de vertus et l'érudit débordant de connaissances et de sagesse. Rabbi Chimon ben Lakiche, l'éminent érudit qui avait connu les couches les plus humbles d'Israël, dit: « Même les pécheurs en Israël sont aussi pleins de Mitzvoth qu'une grenade ouverte ! ».
Quant aux noix, nos Sages nous en signalent quelques caractéristiques intéressantes qu’Israël a eu lui aussi en partage. C'est pourquoi nous disent-ils, notre peuple a été comparé au noyer.
Ce qui caractérise principalement une noix- tout comme les fruits voisins : la noisette et l'amande par exemple - c'est la coquille qui protège le fruit intérieur. Cette coquille peut se salir, mais le fruit restera net. Il en est de même d'Israël: superficiellement, sous l'effet de l’adversité, un Juif peut s'éloigner de l'observance quotidienne des préceptes qui sont sa coquille protectrice, mais intérieurement il demeure sain. La souillure peut facilement être lavée la coquille redeviendra propre, et la noix peut redevenir parfaite à nouveau a tous les points de vue.
CHARITÉ ET RESPONSABILITÉ
Nos Sages se sont également servis de la comparaison avec la noix pour décrire divers degrés de disposition à la charité.
Il existe trois espèces de noix : les tendres, les moyennes et les dures. Ceux qui font la charité de leur propre mouvement, sont les noix tendres. Ceux qui donnent seulement quand on les sollicite, sont les noix moyennes. Et ceux qui ne cèdent même pas à la sollicitation, sont noix dures. Mais même ces dernières s'ouvrent quand elles tombent sur sol. Il en est de même des Juifs qui ont le coeur dur : atteints par maladie, eux aussi « s'ouvrent » et font des actes de charité.
Encore une comparaison avec les noix est possible grâce à la mutuelle responsabilité que chacun de nous assume à l'égard de ses frères. Pour ce qui est des autres fruits, disent nos sages, si l’on en extrait quelques-uns du tas qu’ils forment, cela ne dérange pas ceux qui restent. Il n’en va pas de même pour les noix : si l’on en retire une seule du tas, les autres sont dérangées. Il en est ainsi d’Israël : un juif commet le péché et tous les autres en subissent les conséquences !
Enfin une dernière comparaison. On ne peut échapper au paiement des droits de douane sur les noix en raisons du bruit qu’elles font et qui les trahit. Il en est de même pour Israël : aucun juif ne peut se déguiser, car il est aussitôt reconnu à son habilité et à son bon caractère. Ainsi qu’il est écrit : « Tous ceux qui les verront reconnaîtront en eux la graine que D'ieu a bénie ».